Lubrizol: «Les stocks de pentasulfure ont été mis à l’abri au début de l’incendie»

Cinq ans après l'accident de Lubrizol, la Cour des Comptes souligne toujours des insuffisances de l'Etat en matière de contrôle des usines. (Rapport "La gestion des risques liés aux installations classées pour la protection de l’environnement dans le domaine industriel » - 1er février 2024.) Photo : Jean-Pierre Sageot

Après l’incendie survenu jeudi 26 septembre dans l’usine Lubrizol de Rouen, des interrogations subsistent sur la nature des substances que contenait le panache de fumées noires qui s’est dégagé plus de dix heures durant du site classé Seveso.

Ces interrogations portent notamment sur les substances incendiées, le site étant mentionné dans le Plan local d’urbanisme de Rouen (version du 15 juin 2017) comme:

«Seveso seuil haut: les accidents majeurs identifiés sont l’incendie de pentasulfure (effets thermique et toxique)».

«Le pentasulfure de phosphore est classé par le référentiel Sigma-Aldrich comme matière qui dégage des gaz inflammables et toxiques au contact de l’eau, c’est une molécule nocive en cas d’ingestion, par inhalation et très toxique pour les organismes aquatiques», explique Valérie Agasse, chercheur-enseignant en chimie organique à l’université de Rouen.

Interrogé par la rédaction jeudi 26 septembre lors de la conférence de presse de fin de journée, le préfet Pierre-André Durand et un commandant des sapeurs-pompiers ont affirmé que «les stocks de pentasulfure ont été déplacés en début d’incendie et mis à l’abri».

Une source syndicale CFDT du site Lubrizol Rouen confirme que «les salariés ont déplacé les containers de pentasulfure en début d’incendie. Ils ont eu la présence d’esprit d’agir très vite, c’était très important que ce produit ne se trouve pas incendié. Ils ont fait la démonstration de leur haut niveau de professionnalisme».

«Le risque pour la population reste faible»

Selon la préfecture qui parle de fumées composées «de suies et de substances carbonées classiques que l’on retrouve dans les incendies», cette molécule toxique de pentasulfure de phosphore n’aurait donc pas été impliquée dans l’incendie.

Le lendemain du sinistre, la préfecture se voulait rassurante et publiait sur son site: «Malgré une odeur désagréable le risque pour la population reste faible.»

Malgré l’importance de l’incendie et son panache de «22 kilomètres de long et six de large» qui a survolé des zones densément habitées, depuis Rouen jusqu’au plateau nord, en direction de Préaux et de Quincampoix, l’«accident majeur» a donc été évité, puisque le pentasulfure n’a pas été exposé aux flammes.

L’enquête doit désormais déterminer la nature criminelle ou accidentelle du sinistre et quels étaient précisément les produits stockés dans les entrepôts où s’est déclaré l’incendie jeudi 26 septembre vers 2h40 du matin.

Le site Lubrizol de Rouen a été détruit à 10%, selon le colonel des sapeurs-pompiers Jean-Yves Lagalle: «Sur les 14 hectares que compte le site, 1,1 hectare a été touché.» «Les 400 salariés ont été redéployés sur d’autres sites», a quant à lui indiqué la préfet.

Un manque d’information aux élus

Au lendemain de l’incendie, de nombreux élus du territoire métropolitain demandent à la préfecture de faire, au plus vite, toute la lumière sur la nature et la toxicité des émanations en lien avec l’incendie.

De son côté, le maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, Joachim Moyse déplore l’absence de procédure d’information spécifique, de la part de la Préfecture auprès de la Ville, après le début de l’incendie, ce jeudi 26 septembre. «Certes notre ville ne se trouvait pas sous le panache de fumée, mais elle se situe toutefois à moins de cinq kilomètres à vol d’oiseau de l’usine Lubrizol. Comment dans ces conditions, un maire – qui ne détient aucun élément concret d’appréciation de l’événement en cours – peut-il être certain de prendre les mesures adéquates vis-à-vis de sa population ? »

Photo: Éric Bénard
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