Pouvoir d’achat: une loi en primes

Sur les rayons des commerces, à la pompe à essence ou dans les têtes, la hausse des prix est partout cet été. ©Jean-Pierre Sageot

La loi sur le pouvoir d’achat a été votée début août après de longues semaines de bras de fer entre les parlementaires de tous bords. Pas de hausses de salaire, mais des primes et des boucliers pour contenir les hausses de prix. Voici les principales mesures.

Article extrait du dossier paru dans Le Stéphanais n°297

En ce long été 2022, pour changer un peu du Covid et de la guerre en Ukraine, trois sujets à épisodes ont squatté les infos : la canicule, les incendies et le pouvoir d’achat. Tout a flambé, même les prix. Le troisième sujet, qu’on appelle aussi l’inflation, est quand même lié à la crise sanitaire et à l’Ukraine. Il y a déjà un an, alors que l’épidémie de Covid semblait reculer, l’économie mondiale est repartie tant bien que mal, de travers, avec des pénuries de matériaux, des coûts de transports et d’énergies qui ont explosé. L’inflation était déjà là, et sa seconde vague, un tsunami, a touché l’Europe dès le printemps 2022 à cause de la guerre en Ukraine. Encore des hausses de prix, notamment dans les secteurs de l’énergie, du transport et des matières premières, mais aussi de l’alimentation.

Thème central pendant la campagne électorale, l’inflation l’est devenu encore plus après les élections présidentielles et législatives, alors que le nouveau gouvernement Macron soumettait sa loi sur le pouvoir d’achat au débat et au vote du Parlement (Assemblée Nationale et Sénat). Âprement débattue, la loi est passée début août. Elle est censée protéger le pouvoir d’achat des Français les plus précaires, mais sans leur assurer un meilleur revenu sur le long terme, ni faire participer les plus riches à l’effort de solidarité.

Essence, gaz, électricité

Beaucoup de Français ont compris l’ampleur de la crise en allant acheter de l’essence. Pour freiner la hausse galopante du prix des carburants, la ristourne du prix au litre proposée par le gouvernement passe à 30 centimes en septembre et octobre, avec l’objectif d’arriver à 1,50 euros par litre à la rentrée. La remise repassera à 10 centimes en novembre. Le gouvernement compte sur un geste des pétroliers pour contenir le prix des carburants à la pompe. Il est aussi envisagé d’autoriser l’huile de friture comme carburant. On va devoir manger beaucoup de frites cet hiver.

Toujours au chapitre transports, les entreprises sont incitées à participer plus au financement des déplacements professionnels de leurs employés. Les primes et conditions pour l’achat d’un vélo électrique sont étendues.

Pour éviter des augmentations incontrôlées, le bouclier tarifaire sur le prix du gaz et de l’électricité est prolongé jusqu’à la fin de l’année. Une enveloppe de 230 millions d’euros est prévue pour aider les ménages se chauffant au fioul.

Après avoir battu des records cet été, le prix de l’essence devrait baisser grâce à une ristourne de 30 centimes par litre votée dans la loi. ©Jean-Pierre Sageot

Revenus, salaires et minima sociaux

Les salaires de base (traitement) des 5,7 millions de fonctionnaires sont augmentés de 3,5 %, et les pensions de retraites et certains minima sociaux de 4 % – en sachant que ces augmentations sont des rattrapages qui ne compensent pas la hausse actuelle du coût de la vie.

Pendant le vote de la loi, l’union de la gauche s’est battue pour une augmentation conséquente du salaire minimum à 1 500 euros nets par mois. Cette proposition n’a pas été votée, le Parlement lui préférant la revalorisation des « primes Macron » que les employeurs peuvent verser à leurs salariés, sans y être obligés.

Les salariés vont pouvoir se faire payer des RTT non-pris. La gauche dénonce une mise à mort de la loi sur les 35 h par cette mesure. Les travailleurs indépendants aux revenus les plus faibles vont bénéficier d’une baisse de leurs charges sociales. Cette mesure concerne potentiellement plus de deux millions de personnes. Une prime de rentrée de 100 euros sera versée aux bénéficiaires des minima sociaux.

Pas de taxe sur les superprofits

Pendant que les crises se succèdent (Covid puis guerre en Ukraine) et que l’inflation galope, quelques secteurs de l’économie se portent très bien. Les fournisseurs d’énergies ou les transporteurs maritimes ont bénéficié du contexte international, augmenté leurs prix et engrangé des bénéfices historiques, chiffrés en milliards d’euros. Quand le prix du plein d’essence s’envole pour les particuliers, TotalEnergies a par exemple doublé ses bénéfices en un an. Le transporteur CMA CGM a, lui, multiplié ses bénéfices par dix en un an. Les concessionnaires d’autoroute réalisent eux aussi des profits indécents…

Dans certains pays européens comme la Grande-Bretagne, l’Italie ou l’Espagne, les gouvernements ont décidé de taxer ces superprofits réalisés par des multinationales. En France, la question s’est invitée pendant la session parlementaire sur la loi pouvoir d’achat. La gauche, les centristes et l’extrême-droite étaient favorables à une taxation. Au gouvernement même, des voix se sont exprimées pour défendre cette mesure. Pourtant, l’amendement a été rejeté (à peu de voix près) lors du vote. Le gouvernement décidément libéral préfère compter sur la bonne volonté des super-profiteurs pour répercuter leurs résultats sur les consommateurs…

Mais aussi…

D’autres mesures sont prévues pour préserver le portefeuille des Français. La redevance télé (de 138 euros en 2022) est supprimée et l’utilisation des tickets-restaurants pour faire ses courses est étendue à tous types de produits alimentaires. Les hausses de loyers sont plafonnées, aussi bien pour les particuliers que les petites et moyennes entreprises.

Et les collectivités territoriales ?

Comme les particuliers, les collectivités publiques (dont la Ville de Saint-Étienne-du-Rouvray) subissent l’inflation, et à une autre échelle. « Le chauffage des bâtiments publics, l’éclairage, l’essence, les denrées alimentaires dans les cantines et les restaurants municipaux, les matériaux pour les travaux… Tout augmente pour les collectivités, qui doivent en plus financer l’augmentation de 3,5 % de leurs fonctionnaires », expliquait la sénatrice Céline Brulin en juillet. Au départ, la loi proposée par le gouvernement ne prévoyait aucun budget supplémentaire pour les collectivités. Le Sénat, qui représente les collectivités territoriales, a pu corriger cette énormité en faisant adopter un fonds de 600 millions d’euros pour compenser les hausses des dépenses.

Grève générale le 29 septembre

Cet été, la question du pouvoir d’achat s’est jouée « en haut », au gouvernement et au parlement. Mais, comme le dit la sénatrice communiste Céline Brulin, « on est au cœur de l’été, mais la mobilisation populaire va reprendre, dans les entreprises et dans la rue. Les gens doivent se faire entendre sur ces sujets et ne pas s’en remettre uniquement à leurs représentants parlementaires. On fait ce qu’on peut, mais on a besoin d’eux ». Un appel à la grève générale et la manifestation est déjà lancé pour le lundi 29 septembre, sur le thème des salaires et du sauvetage de l’hôpital notamment.

 

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