6es Assises de l’éducation (J2) : Devenir adulte, est-ce un projet ?

Lors de la seconde journée, les 6èmes Assises de l’éducation ont interrogé le passage entre l’enfance et l’âge adulte. - Photos: Jérôme Lallier

Avec pour thème, « Jeunesses et transitions », les 6èmes Assises de l’éducation ont interrogé le passage entre l’enfance et l’âge adulte : comment le changement s’opère-t-il ? Quelle est la part de responsabilité individuelle, quelle sont les marges de manœuvre collectives ? Sur le plateau du Madrillet, universitaires, acteurs municipaux et associatifs se sont frottés avec passion à ces interrogations.

Qu’est-ce qu’être adulte ? Au cœur d’un court film, diffusé lors des Assises, cette question a permis de donner la parole à quelques jeunes Stéphanais : acquérir le sens des responsabilités ; devoir assumer une diversité de tâches, domestiques et professionnelles ; vouloir apprendre de ses erreurs ou au contraire apprécier d’être épaulé par ses parents… leurs réponses confirment que le sujet est sérieux ! Et qu’il demande du temps. Du temps pour mûrir.

« Dans les très grandes écoles, on ne vous embête pas avec un projet. Inversement, en bas de l’échelle, on demande avec insistance aux jeunes dits en difficultés d’avoir un projet. » – , Maël Loquais, maître de conférences à l’université de Lorraine. -Photo: Jérôme Lallier.

Mais mûrir, est-ce que cela suppose forcément la formulation d’un projet ? « Dans les très grandes écoles, on ne vous embête pas avec un projet, a souligné Maël Loquais, maître de conférences à l’université de Lorraine. Inversement, en bas de l’échelle, on demande avec insistance aux jeunes dits en difficultés d’avoir un projet. » Une injonction d’autant plus cinglante qu’on les tient pour responsables de leur situation et qu’on les considère comme incapables de saisir les problématiques qui les concernent. « Je pars au contraire du postulat que les jeunes sont capables de résoudre leurs problèmes, a insisté le sociologue. Et qu’il faut partir de leurs capacités pour construire leur projet d’insertion. » Proche de la notion d’empowerment, le concept d’émancipation inscrit alors les parcours des jeunes dans une dynamique qui ne relève pas seulement de la sphère individuelle, mais qui interroge aussi le collectif. Cependant, la tendance actuelle emprunte-t-elle ce chemin du « faire ensemble » et de la responsabilité collective ?

Le couperet de Parcoursup

Pas pour ce qui est des choix d’orientation des lycéens que Carole Daverne-Bailly, maîtresse de conférences HDR à l’université de Rouen Normandie, a étudiés, dans le double contexte de la réforme du lycée et de la crise sanitaire : écartelés entre l’injonction – là encore ! – à choisir les enseignements de spécialité qui leur plaisent et la nécessité de se construire un avenir cohérent, les lycéens des années 2019 à 2021 se sont retrouvés dans un état de stress que la crise du Covid-19 a décuplé. « Avec ces arbitrages entre stratégie et subjectivation, beaucoup de jeunes se sont trouvés confrontés à des contradictions internes », a expliqué la chercheuse.

Avec Parcoursup, « on assiste à un transfert de responsabilité du collectif vers l’individuel » – Carole Daverne-Bailly, maîtresse de conférences HDR à l’université de Rouen Normandie. -photo: Jérôme Lallier

Mal accompagnés par des professeurs souvent peu informés, les élèves, qui confient avoir eu peur de faire les mauvais choix, ont l’impression de jouer leur avenir à 15 ou 16 ans. « On assiste à un transfert de responsabilité du collectif vers l’individuel », résume Carole Daverne-Bailly. Avec tout ce que cela implique en termes d’inégalités sociales, selon le degré d’information et de maîtrise des codes et des stratégies scolaires des familles.

Défendre le droit à la découverte

Pour Sylvie Sainte-Marie, directrice de la Mission locale de l’agglomération rouennaise, qui rencontre surtout des jeunes peu qualifiés et peu soutenus par leur famille, les dérives actuelles accentuent le stress et la pression, alors que les jeunes confient avoir « besoin d’une posture bienveillante, de relations de confiance, de valorisation et d’un droit à la découverte, qu’ils opposent à notre droit à l’erreur », a souri la responsable.

Ces attentes exigent des adultes qu’ils fassent un pas de côté, pour proposer des dispositifs plus souples, plus individualisés et mieux accompagnés.

C’est l’objectif des chantiers citoyens, expérimentés depuis un an par la MIEF, à Saint-Étienne-du-Rouvray : les missions ponctuelles qui sont proposées aux jeunes, en lien avec les services municipaux, les associations, les bailleurs sociaux, ont vocation à les remobiliser et à renouer le contact. « Ces propositions concrètes permettent d’assoir une relation de confiance qui consolide l’adhésion du jeune à l’accompagnement », a témoigné Angela Sy, responsable de la Maison de l’information sur l’emploi et la formation (MIEF) de Saint-Étienne-du-Rouvray.

Déterminante, cette relation de confiance, qui guide aussi les propositions du secteur de l’éducation populaire, exige du temps. Un temps dont les jeunes ont besoin pour mûrir et s’épanouir. Eux qu’on dit en quête de sens sauront-ils infléchir l’évolution de notre société ? La faire ralentir pour que les valeurs de solidarité et de coopération prennent le pas sur la recherche de performance et d’utilité ? Une transformation qui faciliterait très certainement leur transition vers l’âge adulte.

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