Face à une situation aussi complexe, que peut faire une municipalité comme Saint-Étienne-du-Rouvray pour tenter, non pas de la résoudre, mais d’avoir un impact positif pour ses habitants ?
Avoir une maison médicale sur son territoire communal, comme celle située place Navarre, dans le quartier de La Houssière, n’est malheureusement pas la garantie que des médecins vont venir s’y installer. « Depuis 2017, les bureaux sont prêts et n’attendent que des praticiens », assure Bruno Matoko, le pharmacien, propriétaire des lieux. Seulement voilà, aucun contact n’a débouché sur une installation. Et seul un ostéopathe y réside actuellement, laissant deux cabinets sans utilisateur ou utilisatrice. Lors du dernier conseil municipal du 20 octobre, une piste a été lancée lors du vote d’une délibération concernant l’adhésion de la Ville à la fédération nationale des centres de santé. « On réfléchit à la création d’une maison de santé communale dans laquelle les médecins seraient salariés », détaille la conseillère municipale déléguée à la santé, Marie-Pierre Rodriguez. À cette occasion, Joachim Moyse a précisé que des locaux avaient été identifiés pour l’accueillir : ceux de l’ancien centre de tri de la Poste situé au Madrillet qui devront pour ce faire être entièrement rénovés. « Nous sommes allés voir ailleurs, Malakoff, Alençon… comment de telles structures fonctionnaient car il est indispensable d’arriver à un équilibre financier pour pérenniser.» Le premier constat que dressent les élus, c’est qu’il faut au moins trois postes équivalent temps plein (ETP) de médecin généraliste. « Il peut donc y avoir des praticiens qui se complètent sur un même poste », continue l’élue. D’autres professions médicales (orthophoniste, kiné…) pourraient aussi y assurer des permanences. « La présence d’infirmières Asalee, spécifiquement formées au suivi des maladies chroniques, peut aussi aider les médecins. »
Au moins trois postes équivalent temps plein
En parallèle, le centre communal d’action sociale (CCAS) pourra assurer l’accompagnement social des cas les plus complexes et soulager ainsi les médecins de cette tâche chronophage. « Il reste évidemment à trouver les financements, en particulier pour les locaux et le recrutement d’une personne pour coordonner le projet, mais on sent que la réflexion avance aussi parmi nos autres partenaires institutionnels comme le Département ou la Région. » Aucun calendrier n’est encore défini, mais Marie-Pierre Rodriguez a conscience que l’urgence est là : « C’est un dossier complexe qui prendra plusieurs années, mais que nous avons comme ambition de faire aboutir. »
Nombre de médecins : des stratégies qui laissent à désirer
Incitation financière ou coercition ? Locaux offerts ou internes obligés de pratiquer une année supplémentaire dans des secteurs moins bien pourvus en médecins ? Et si la télé-médecine était la solution miracle. À moins que non… Le débat est loin d’être tranché et les dernières annonces du président de la République concernant sa volonté de voir les médecins seniors poursuivre leur carrière, même après l’âge de la retraite (en échange d’une exonération de cotisation retraite) ne vont pas changer la donne de façon spectaculaire. « Sur Saint-Étienne-du-Rouvray, il y a déjà au moins quatre ou cinq médecins qui pourraient faire valoir leurs droits à la retraite et qui continuent. Pas pour gagner plus d’argent. Mais parce qu’ils savent que s’ils partent, leurs patients vont se retrouver sans rien », assure le docteur Ben Achour. Un phénomène que l’on retrouve partout en France. Mais même les plus courageux ne sont pas éternels…
Certes la fin du numerus clausus (la limitation du nombre d’étudiants en médecine acceptés en 2e année, NLDR) peut permettre de former en théorie davantage de praticiens. Mais cela dépend aussi des capacités d’accueil des pôles universitaires. Sans compter qu’il faut compter au moins dix années pour former un bon médecin.
Selon le quotidien Les Échos, citant les chiffres du service statistique des ministères sociaux, « le nombre de médecins en activité de moins de 70 ans devrait continuer à stagner jusqu’en 2030. Il devrait ensuite repartir à la hausse à un rythme de l’ordre de 1,5 % par an. Mais si l’on rapporte les effectifs de médecins aux besoins de la population croissante et vieillissante, alors la densité médicale va même baisser au cours de la prochaine décennie. »
Il faudra alors attendre 2035 pour voir la courbe s’inverser.
Un médecin pour 1 000 habitants : un objectif lointain
Dans tous les rapports de politique publique, c’est un chiffre qui revient. Un médecin généraliste pour 1 000 habitants serait l’objectif à atteindre. En France, la densité de médecins s’élevait à 339 médecins pour 100 000 habitants en 2021 mais ce chiffre varie très fortement en fonction des territoires. La moyenne des médecins généralistes est en réalité de 150 pour 100 000 habitants, elle est la plus forte dans le département des Hautes-Alpes (266 généralistes pour 100 000 habitants) et plus faible dans l’Eure, la Seine-et-Marne et l’Eure-et-Loir (inférieure à 100 praticiens pour 100 000 habitants). Avec 18 médecins généralistes pour presque 30000 Stéphanais, Saint-Étienne-du-Rouvray compte moins d’un médecin pour 1 600 habitants. Mais il faut rapporter ce chiffre au moins au niveau métropolitain. Selon l’état des lieux sanitaire de l’observatoire régional de la santé et du social (datant de mars 2022), la métropole rouennaise aurait une densité de 149,4 praticiens pour 100 000 habitants. Problème, il y a de grandes disparités au sein même de la Métropole et l’évolution démographique est défavorable : au 1er janvier 2021, un médecin libéral sur trois avait au moins 60 ans. Quel que soit le territoire, le départ en retraite massif des médecins généralistes qui s’annonce, dans les années à venir, ne pourra être comblé que par la formation de nombreux nouveaux médecins.
La première partie du dossier est à retrouver ici :