Dans un sport aussi éminemment masculin que le football, les joueuses peinent à se lancer ou à trouver leur place. La donne change cependant, mais très lentement.
Mardi 30 mai. Au gymnase Jean-Macé, des garçons du CP au CM2 se disputent le ballon à l’occasion d’un tournoi organisé par les animateurs du périscolaire. Où sont les filles ? Assises sur des bancs, elles applaudissent ou huent les équipes en lice. « Le tournoi était ouvert à toutes et à tous, assure Hugo Mollet, directeur des Animalins de l’école. Seules trois filles se sont inscrites pour jouer. La majorité des écolières ne se sentent hélas pas légitimes pour pratiquer ce sport. »
Mercredi 17 mai, au parc omnisports Youri-Gagarine, l’ambiance est tout autre. Sur les vastes pelouses, des filles en crampons endossent leurs maillots, prêtes à en découdre avec les équipes adverses. Collèges Robespierre, Paul-Éluard, Pablo-Picasso : pour ce tournoi inter-écoles exclusivement féminin, les établissements stéphanais sont dûment représentés. L’idée est plutôt bien trouvée : chaque licenciée d’un club de football invite une copine à découvrir les plaisirs du ballon rond. À en juger par la joyeuse effervescence qui règne lors de cette journée sportive, ça marche.
« Le foot, ce n’est pas que de la performance et de la compétition. À travers des matchs mais aussi des animations comme le bubble-foot, le fit-foot ou le footgolf, nous avons voulu montrer toute la dimension ludique de ce sport, explique Sadia Salem, chargée de projets au Football club de Saint-Étienne-du-Rouvray, co-organisateur de l’événement avec l’Union nationale du sport scolaire. Nous souhaitons éveiller des vocations chez les filles, qui restent malheureusement très minoritaires dans le foot. »
Gym pour les filles, foot pour les garçons : les stéréotypes de genre font rage dans le sport amateur. D’après une étude de l’Insee publiée en 2017, les enfants – ou les parents – choisissent les activités sportives « en fonction des valeurs qu’elles véhiculent : grâce, souplesse, agilité pour les filles et endurance, rapport de force et esprit de compétition pour les garçons ».
Des clichés tenaces
Les filles ne seraient donc ni endurantes ni compétitives ? Pour Mohamed Abdelmoula, responsable sportif au sein de l’Association sportive Madrillet Château blanc (ASMCB), ces croyances n’ont pas lieu d’être : « De par leur constitution biologique, les garçons sont certes plus rapides et endurants. Mais cela ne veut pas dire que les filles manquent de force ou d’agilité. Et sur le plan technique et tactique, je les trouve tout aussi compétentes et même souvent plus efficaces, car elles privilégient la cohésion et le jeu collectif. »
Des observations confirmées par une étude de l’université du Pays basque, publiée en 2014.
La féminisation du football nécessite de questionner des clichés souvent intériorisés par les filles elles-mêmes : « On adore jouer au foot mais on ne regarde jamais le foot féminin. Les matchs de mecs, c’est quand même beaucoup plus sympa et dynamique », lancent de jeunes participantes au tournoi inter-écoles.
Les clubs stéphanais assurent faire de leur mieux pour recruter de nouvelles licenciées.
« Mais nos moyens sont hélas limités. Les instances nationales doivent s’emparer de cette question pour que davantage de filles et de femmes aient foi en leurs capacités et aient envie d’être joueuses, dirigeantes, éducatrices et arbitres. »
Le foot féminin en chiffres
220 352
C’est le nombre de filles et de femmes licenciées de clubs de foot en France actuellement. D’après la Fédération française de football (FFF), elles n’étaient que 81 153 en 2011. Le pays compte également 36 209 dirigeantes de clubs ou d’instances régionales ou nationales, en augmentation de 28 % depuis 2011. L’effectif de femmes arbitres a aussi augmenté, passant de 679 à 1 200 en un peu plus de dix ans.
1970
C’est l’année qui a vu le football féminin officiellement reconnu par la FFF. Mais le premier match de footballeuses a eu lieu à Paris en 1917. Depuis, les sportives ont parcouru du chemin : premier match de l’équipe de France féminine en 1971, à l’issue duquel les Françaises ont vaincu les Néerlandaises 4 buts contre 1, qualification au premier tour de l’Euro 1997, ou encore première participation à la coupe du monde en 2003.
2 500
C’est, en euros, le salaire brut moyen mensuel d’une joueuse professionnelle de Division 1. En comparaison, un footballeur de Ligue 1 touche en moyenne 108 422 euros par mois. Certaines athlètes sont plus prospères, comme la Ballon d’or Ada Hegerberg (Olympique Lyonnais), avec une rémunération mensuelle brute de 35 000 euros. Un salaire qui reste dérisoire comparé aux plus de 13 millions d’euros (annuels) touchés par le Ballon d’or Karim Benzema au Real Madrid.
TÉLÉFOOT
On veut voir des matchs de femmes !
Il a fallu plusieurs mois de tergiversations pour que la coupe du monde féminine trouve des diffuseurs en France – France Télévisions et M6. Le président de la Fifa, Gianni Infantino, assure avoir reçu des offres vingt à cent fois inférieures à celles reçues pour la coupe du monde masculine. Une « injustice envers le football féminin et les femmes » selon Gianni Infantino, qui a failli priver le public européen de cette coupe. Peu médiatisées, les compétitions de football féminin passent souvent inaperçues. Or, c’est en donnant de la visibilité aux footballeuses que l’on peut susciter des vocations auprès des femmes.