Des recherches uniques au Technopôle

Des recherches uniques au monde sont menées au Technopôle du Madrillet de Saint-Étienne-du-Rouvray, notamment au sein du Groupe de physique des matériaux (GPM). Dans ce laboratoire public, on regarde au microscope comment les atomes composent la matière et ça fait avancer la science jusque dans la vie quotidienne. Visite guidée.

« Notre spécialité c’est la microscopie », résume Xavier Sauvage, directeur du Groupe de physique des matériaux (GPM). En déambulant dans les couloirs de ce laboratoire caché
dans l’UFR Sciences et Techniques (les locaux universitaires au Technopôle du Madrillet), il ouvre chaque porte pour révéler des microscopes géants. Ces engins surpuissants permettent de voir l’infiniment petit, c’est-à-dire les atomes qui composent la matière. À quel point c’est petit ? Xavier Sauvage mouille la chemise pour l’expliquer :

« Notre œil voit jusqu’à 0,1 millimètre. Pour voir deux atomes, il faut grandir ce 0,1 un million de fois. Il faut qu’un mètre devienne un million de mètres. Un million de mètres, ça fait mille kilomètres. Ça revient à agrandir ma chemise pour la mettre sur la surface de la France. »

Tous les jours, à Saint-Étienne-du-Rouvray, les scientifiques du GPM passent donc des heures à regarder des choses 1 million de fois plus petites que ce que l’œil humain peut voir. Mais à quoi ça sert de scruter ces atomes ?

« Quand vous laissez votre table de jardin dehors tout l’hiver, pourquoi le plastique se dégrade ? Pourquoi les propriétés des matériaux changent au cours du temps ? Les réponses se trouvent dans les mécanisme physiques qui se jouent à l’échelle des atomes. »

Si certaines recherches sont lancées ou financées en partenariat avec des industriels privés, le GPM est un laboratoire public commun à l’Université de Rouen Normandie, l’école publique d’ingénieurs Insa Rouen Normandie et le CNRS (Centre national de recherche scientifique).

Des analyses de pointe

Depuis sa création (dans les années 1960), le GPM héberge des outils uniques qui ont permis de faire avancer la science et la connaissance humaine sur les matériaux. « La plupart des labos achètent leurs outils. Nous, on achète des sortes de Lego et on fabrique certains de nos microscopes, explique Xavier Sauvage. Ça nous permet d’avoir de l’originalité et de faire des choses que les Américains ne peuvent pas faire. » Cent quarante personnes travaillent aujourd’hui au laboratoire, dont 57 chercheurs ou enseignants-chercheurs titulaires et 35 étudiants doctorants. Ukrainiens, Marocains, Italiens mais aussi Stéphanais, les scientifiques du GPM viennent du monde entier. Pour permettre aux chercheuses et chercheurs de faire leurs analyses, des ingénieurs façonnent d’abord les échantillons à examiner. Pour chaque microscope, ils sculptent des microfragments en forme de pointe, plus fines encore que la pointe des plus fines aiguilles à coudre. Parmi les recherches en cours, il y a par exemple l’analyse de pointes conçues à partir de roches extraterrestres, dans le but de comprendre comment s’est formé le système solaire. D’autres se penchent sur les composants de batteries électriques pour améliorer leur recyclage ou sur les matériaux issus des centrales nucléaires pour trouver des solutions contre l’usure liée aux radiations.
D’autres, enfin, travaillent sur des alliages qui réfléchissent particulièrement bien la lumière blanche, afin d’améliorer l’éclairage des ampoules LED… et faire que la science illumine la vie jour après jour.

Sonde atomique tomographie, un long chemin

Après son cousin d’Oxford en Angleterre, le laboratoire GPM de Saint-Étienne-du-Rouvray a été le deuxième laboratoire au monde à avoir su analyser la matière pour en faire une reconstitution en trois dimensions à l’échelle atomique.

C’est grâce à l’invention de la sonde atomique tomographique qui s’est faite en plusieurs étapes :

  • Dans les années 1950, l’Allemand Erwin Müller est le premier à cartographier la répartition des atomes grâce à son microscope ionique à effet de champ.
    Pour faire comme lui, il vous suffit d’envoyer de l’électricité (des milliers de volts) sur un très petit fragment de matière taillé en pointe (100 nanomètres) dans un environnement à -200 degrés.
    En faisant ça, vous « évaporez » les atomes de votre pointe, ils foncent un à un sur votre capteur (un écran de phosphore que vous illuminez grâce à un gaz rare).
    Bravo, vous savez maintenant comment les atomes sont rangés dans votre pointe.
  • Pour connaître la composition chimique des atomes que vous avez cartographiés, faites comme Jean Gallot, le fondateur du Groupe de physique des matériaux à l’Université de Rouen.
    Avec son équipe, il fabrique l’une des premières sondes atomiques : une machine qui peut calculer la vitesse de déplacement des atomes entre le fragment de matière et le capteur. Comme vous connaissez la distance entre les deux, vous pourrez calculer la vitesse puis la masse de l’atome et donc vous saurez de quel élément il s’agit.
  • Maintenant, il vous manque juste un capteur qui vous dise précisément quelle trajectoire l’atome a prise avant d’arriver pour que vous puissiez savoir d’où il vient très précisément (et faire ainsi une image 3D de votre point de matière).
    Accrochez-vous, l’équipe rouennaise du GPM a mis 4 ans pour élaborer tout ça et ainsi créer la deuxième sonde atomique tomographique du monde, en 1993.

« Apporter de la confiance scientifique »

L’une des ailes du GPM est entièrement dédiée à l’étude de matériaux issus des centrales nucléaires. « Les cuves gigantesques des réacteurs nucléaires sont comme des grosses cocottes-minute, illustre le directeur du laboratoire. Elles subissent des radiations, ça crée des défauts dans la matière. Une partie du travail fait ici permet de comprendre ce qui se passe et d’éviter les erreurs commises par le passé. Cela permet d’apporter de la confiance scientifique dans la prolongation de vie des centrales. » Les fragments de cuve arrivent dans de lourdes caisses de plomb. « Quand on entre ici, on se change totalement. Quand on sort, on passe dans une machine qui vérifie que l’on n’est pas contaminé par des matériaux radioactifs. La zone est sous dépression, l’air est filtré avec un contrôle permanent de la radioactivité et une alarme. »

Pour visiter le GPM, rendez-vous à la Fête de la Science en octobre 2025.

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