Au centre hospitalier du Rouvray, un musée qui fait un bien fou

Photo Loïc Seron

Au centre hospitalier du Rouvray vient de rouvrir le musée Art et déchirure, consacré à «l’art des fous». Visite guidée avec le fondateur de cette belle histoire.

C’est un lieu exceptionnel, plein de cris, de vie et d’histoires. On y arrive par l’entrée principale du centre hospitalier du Rouvray. Puis suivre les pancartes «Musée art et déchirure», jusqu’à l’ancien pavillon des femmes, désaffecté en 1982. Depuis fin mars, ce long bâtiment centenaire accueille la réincarnation muséale de l’illustre festival Art et déchirure, créé en 1989 par deux infirmiers de l’hôpital, Joël Delaunay et José Sagit (tous deux nés à Saint-Étienne-du-Rouvray), autour de « l’art des fous ». Entrés à l’hôpital en 1968, ils ont créé des ateliers de thérapie par l’art, avec les idées neuves de l’époque et leur expérience quotidienne. « C’est l’hôpital qui m’a inspiré », dit Joël Delaunay. Jusqu’en 2019 et pendant dix-sept éditions, le festival basé à la halle aux toiles de Rouen a permis de faire découvrir à des milliers de personnes cet art des marges et de la créativité libérée, décliné sous toutes ses formes, de la peinture au théâtre en passant par la sculpture ou la musique. Une première version du musée a même ouvert en 2017. Mais le Covid a eu raison de la folie artistique. Le festival et le musée se sont arrêtés, laissant l’association avec des centaines d’œuvres collectées pendant une trentaine d’années.

Au centre, l’affiche de la première édition du festival Art et déchirure, lancé en 1989. Photo Loïc Seron.

Un musée dans son environnement

José Sagit a un peu décroché, mais Joël Delaunay (par ailleurs président du Stade sottevillais) n’a pas lâché l’affaire. Très soutenu par la direction de l’hôpital et motivé par le projet Rouen capitale européenne de la culture, il a mobilisé ses troupes et s’est battu pour rouvrir le musée. À la demande, c’est lui qui fait la visite. Et c’est un peu exceptionnel, parce qu’il est le fondateur de cette aventure qui, dit-il, a changé sa vie.

Un musée d’art des fous, ou brut, ou singulier, on dit comme on veut, ce n’est pas exceptionnel. Il en existe d’autres en France et partout dans le monde. Ce qui rend celui-ci exceptionnel, c’est qu’il est une partie de l’hôpital, enraciné dans un bâtiment où jadis erraient les folles. On croit les entendre, leurs esprits réfugiés dans les œuvres exposées. Certaines de ces œuvres ont été faites par des patients de l’hôpital et Joël Delaunay connaît personnellement certains des artistes exposés. Il a d’abord tenu à ce que les salles d’exposition soient conservées dans leur jus. Les pétales de peinture écaillée qui surgissent des murs, les coulures rouillées et la tuyauterie apparente sont déjà de l’art brut, un bâtiment à l’œuvre qui raconte son histoire.

André Robillard exposé

La visite du musée est un voyage. Pas dans les pathologies des artistes, mais dans leurs expressions artistiques débridées, déchirées, obsessionnelles, cathartiques, joyeuses ou ténébreuses. On s’y reconnaît, on s’y confronte, on s’y perd ou on s ‘y console : cet art différent ne peut pas laisser indifférent. Des pièces entières sont consacrées à Francis Marshall et Caroline Dahyot et on pourrait y passer des heures. Environ 150 œuvres sont exposées (y compris dans le parc à l’extérieur du bâtiment) et environ 200 attendent leur tour dans la réserve. Joël Delaunay nous en ouvre les portes : on aperçoit des portes gravées par le Stéphanais Alain Rault, peut-être le seul street-artist digne de ce nom, toujours à l’œuvre du côté de la gare de Rouen.

En plus de la collection constituée au fil du festival, le musée accueille des expositions temporaires. Aujourd’hui et jusqu’au 24 septembre, c’est André Robillard, 91 ans, ses peintures, ses écrits, ses Spoutnik et ses armes fabriqués en matériaux de récupération. Le jour de l’inauguration, il était là, il a joué de l’harmonica, puis Joël Delaunay l’a ramené chez lui à l’hôpital psychiatrique d’Orléans. Et demain ? Avec ses trois jeunes en service civique bien motivés, le musée attend le public, y compris les groupes scolaires. Joël Delaunay ne va pas relancer le festival Art et déchirure. Mais il espère que dans quelques années, le musée et son parc pourront accueillir des concerts, du théâtre, un marché de l’art, au plus près des patients de l’hôpital. « Ça fait du bien aux fous de nous rencontrer, mais l’inverse est vrai aussi, ça nous fait un bien fou », conclut Joël Delaunay.

• Ouvert du mercredi au dimanche de 14 h à 18 h. Tarifs : gratuit pour les moins de 12 ans, 3 ou 5 €.

Visite de groupes, scolaires, privée et commentée sur demande : joel.delaunay@laposte.net

Site : musee.artetdechirure.fr/

• Conférence « Ce que l’art brut a fait à André Robillard » par Savine Faupin, vendredi 28 avril à 18 h à l’amphithéâtre 200 de l’Ifsi, sur le site du CHR.

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