Avec l’arrivée prochaine en France de vaccins contre la Covid-19, en toute fin d’année ou en début d’année prochaine, de nombreuses questions émergent sur fond de défiance. Le docteur Jean-Philippe Leroy, référent vaccination au sein du Pôle santé publique du CHU de Rouen, répond aux principales interrogations. Avec une bonne dose de pédagogie.
1- Avec un vaccin injecte-t-on toujours une version atténuée de la maladie que l’on souhaite combattre ?
Non, ce n’est plus le modèle le plus fréquent. C’est le principe des vaccins comme celui mis au point par Jenner contre la variole au XVIIIe siècle. Depuis, on a commencé à utiliser des virus inactivés pour apprendre au corps à se défendre. Puis des fragments de virus que l’organisme reconnaît. Le tout avec davantage d’efficacité.
2- Quelle est la nouveauté avec ces vaccins contre la Covid-19 ?
Il y a beaucoup de recherche sur plusieurs types de vaccins. Mais ceux conçus par les laboratoires Pfizer/ BioNTech ou Moderna, qui seront les premiers à être commercialisés, sont des vaccins à ARN messager. Ce seront les premiers à être utilisés chez l’homme. Schématiquement, il s’agit d’injecter à une personne un code génétique qui va faire produire au corps des protéines. Les protéines choisies sont celles qui permettent au virus de s’attacher aux cellules, il s’agit des spicules du Coronavirus, ces pointes qui entourent son noyau. Le but est alors d’empêcher le virus de se développer.
3- A-t-on assez de recul pour savoir si ces vaccins à ARN messager sont efficaces et s’ils possèdent des effets secondaires dangereux pour l’homme ?
En fait, les coronavirus ne sont pas une nouveauté. C’est le SARS-CoV-2 qui l’est. D’autre part, l’utilisation d’un ARN messager n’est pas non plus une nouveauté et des recherches existent depuis de nombreuses années à ce sujet. C’est son utilisation dans le cadre d’un vaccin chez l’homme qui l’est. Mais les premiers tests, après que les scientifiques chinois ont dressé la carte génétique du virus dès janvier, ont commencé il y a déjà près de six mois. Il est donc vrai de dire que ces vaccins ont été mis au point rapidement, mais sans brûler les étapes, et avec toutes les garanties sanitaires que l’on peut attendre pour un tel produit qui semble être particulièrement efficace.
4- Pourquoi a-t-on l’impression que la mise au point des vaccins a été plus rapide que d’ordinaire ?
Ce qui s’est passé, c’est que, face à l’urgence sanitaire, les phases d’essais, de plus en plus étendues, ont été « tuilées » pour gagner du temps. Mais toutes ont bien eu lieu. Quant au montage financier, toujours complexe pour de telles recherches qui nécessitent de gros investissements, il a été accéléré par l’appui des gouvernements, notamment celui des États-Unis.
5- Quand devrait-on débuter la campagne de vaccination et qui décide de son organisation ?
En France, elle devrait débuter fin 2020 ou au tout début de l’année 2021 et doit se décliner en cinq phases. C’est la Haute autorité de santé (HAS) qui fait ses préconisations au ministère de la Santé en fonction des informations fournies par les laboratoires et des recommandations faites par les experts indépendants qui travaillent au sein de l’HAS.
6- Qui va-t-elle concerner ?
La phase 1 va concerner les résidents des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Éhpad) et les soignants qui y travaillent et sont atteints de certains problèmes de santé. Au total, on parle d’environ deux millions de personnes. La phase 2, celle qui va s’adresser aux personnes à risque, notamment les seniors, va, elle, concerner environ quinze millions de personnes, soit environ trente millions de doses de vaccin car les deux premiers mis au point nécessitent deux injections.
7- Comment va-t-on être vacciné ?
Il ne faut pas imaginer qu’on ira chercher son vaccin à la pharmacie dans un premier temps comme avec celui de la grippe. Pour l’heure, le vaccin est conditionné en flacon de cinq ou dix doses. À chaque phase correspondra une organisation différente. Selon le type de vaccin disponible et sa conservation, les médecins généralistes, les infirmières, les pharmaciens ou un centre de vaccination seront sollicités.
8- Si je suis un jeune adulte sans problème de santé particulier, quand pourrais-je me faire vacciner ?
Certainement pas avant la phase 4, voire la phase 5. Cela devrait nous emmener jusqu’à l’automne 2021 pour toucher l’ensemble de la population.
9- Pourquoi a-t-on entendu dire que les moins de 18 ans ne seraient pas vaccinés ?
Actuellement nous avons peu d’information sur les résultats de la vaccination au-dessous de 16 ans. Les moins de 18 ans sont par ailleurs moins à risque de Covid grave, nous avons donc un peu de temps pour compléter les informations manquantes et plus tard proposer une vaccination.
10- Si le virus évolue, devra-t-on se faire à nouveau vacciner avec une nouvelle version du vaccin chaque année comme avec la grippe ?
Jusqu’à présent, les études montrent que le récepteur du virus qui nous intéresse et que cible le vaccin est relativement stable. Il n’évolue pas beaucoup. Et si le vaccin devait être « recalé » au fil des mois, cela pourrait se faire en quelques semaines.