Chahuté au début de son discours, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était aux côtés du maire Joachim Moyse et du député Hubert Wulfranc pour rendre un hommage républicain au père Jacques Hamel. Il y a quatre ans jour pour jour, le prêtre était assassiné lors d’un attentat revendiqué par le groupe terroriste Daesh.
Ce dimanche 26 juillet, la municipalité de Saint-Étienne-du-Rouvray organisait une «cérémonie républicaine pour la paix et la fraternité» en hommage du père Jacques Hamel, assassiné il y a quatre ans lors de l’attentat du 26 juillet 2016.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a fait le déplacement. Avant l’hommage républicain, le nouveau locataire de la place Beauvau a assisté à la messe tenue à 10h30 en l’église Saint-Étienne, en présence de Mgr Dominique Lebrun, l’archevêque de Rouen, et de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêques de France. Les représentants des différents cultes étaient également présents.
«Depuis 4 ans, Jacques Hamel nous rassemble»
Dès le levé du jour, un impressionnant dispositif de sécurité était déployé sur une large partie du centre ancien afin de boucler la circulation et filtrer les entrées des visiteurs. Ce renforcement strict —dû à la venue du ministre et pris en charge par la police nationale— a empêché certains habitants d’assister aux commémorations. Dans le même temps, plusieurs chaînes de télévision et radios nationales couvraient l’évènement.
«Depuis 4 ans, Jacques Hamel, prêtre catholique assassiné dans notre église, nous rassemble», a déclaré Joachim Moyse, premier à prononcer son discours. Devant une une foule masquée de quelques 200 personnes, l’élu a tenu à ancrer son hommage dans l’actualité de la crise sanitaire:
À Saint-Étienne-du-Rouvray, comme partout dans le monde, la pandémie virale que nous éprouvons, ravive les souvenirs terribles des heures noires des guerres et des attentats. A chaque fois, des populations peuvent se diviser, être stigmatisées ou se retrouver isolées. Ici, habitantes et habitants, avec leurs élu.e.s, ont exprimé et expriment encore leur volonté de rester unis dans la fraternité.
Et le maire de conclure sa prise de parole par sa vision du souvenir laissé par le père Jacques Hamel:
Il n’y a pas de paix sans unité, il n’y aura pas d’unité en dehors de la paix. C’est le sens du message d’espoir porté par Jacques Hamel. Pour nous, toutes et tous, un message de paix et de fraternité.
Maire de la ville au moment du drame, le député de Seine-Maritime, Hubert Wulfranc, a rappelé que le jour de l’attentat restera une date à jamais gravée dans l’esprit des Stéphanais.e.s «Nous gardons la mémoire vive de cette matinée du mardi 26 juillet 2016», a-t-il indiqué, avant de déplorer certains agissements politiques dans d’autres pays qu’il qualifie de «vent mauvais qui continue de souffler trop souvent et qui attise les haines dans le monde».
Sans les nommer, le député de Seine-Maritime a ciblé les agissements récents de plusieurs chefs d’états dont Recep Tayyip Erdogan (Turquie) — qui a décidé la reconversion de la basilique-musée Sainte–Sophie d’Istanbul en lieu de culte musulman — et Benyamin Netanyahou (Israël) — à propos de la «confiscation» des terres en Cisjordanie —. Le parlementaire a incité chacun à «faire que la patrie et la laïcité nous unissent tous».
En poste depuis le 6 juillet, le ministre de l’Intérieur a conclu cet hommage en parlant d’un «drame» qui a touché «toute la France»:
L’assassinat du père Hamel n’a pas touché que les chrétiens, il a touché toute la France en son cœur et en son esprit. Mettre à mort un prêtre c’est tenter d’assassiner une partie de l’âme nationale.
Le Père Hamel est mort sous les coups de la barbarie la plus infâme et la plus aveugle, celle commise au nom d’une idéologie meurtrière. Quatre années après, nous nous souvenons de son action. De ce drame. Et nous n’oublions pas.
Gérald Darmanin chahuté lors de sa prise de parole
Alors que le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’apprêtait à prendre la parole, une poignée de personnes disséminées dans l’assistance ont brandi des pancartes «shame» et alpagué le ministre en criant «sale violeur», «Darmanin sale violeur». « Onze personnes ont été auditionnées, quatre sont en garde à vue pour outrage, et toutes sont verbalisées pour manifestation interdite », a précisé, à l’AFP, la préfecture de Seine-Maritime.
Depuis sa nomination au nouveau gouvernement de Jean Castex, le ministre de l’Intérieur est régulièrement la cible de manifestations. Les personnes qui y prennent part contestent le choix de l’ex-maire de Tourcoing (Nord) comme ministre, compte tenu des accusations en justice portées contre lui.
Depuis 2017, Gérald Darmanin fait en effet l’objet d’une plainte déposée par une ancienne adhérente UMP qui l’accuse de «viol, harcèlement sexuel et abus de confiance». En février 2018, l’enquête préliminaire avait été classée sans suite, mais le 11 juin dernier, la cour d’appel a ordonné la reprise des investigations. Le dossier n’est donc pas clos. Parallèlement, une habitante de Tourcoing avait déposé plainte contre Gérald Darmanin en 2018 pour «abus de faiblesse». Cette plainte a été classée par la justice en mai 2018 mais ce mardi 21 juillet, l’association Pouvoir Féministe a saisi le parquet de Lille pour relancer cette enquête. L’association a interpellé la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique pour «conflit d’intérêt».
Dans les rues de Saint-Étienne-du-Rouvray, plusieurs tags et collages sont apparus pendant la nuit du 25 au 26 juillet, indiquant: «flic, violeur, Darmanin» ou «Darmanin, un violeur à l’intérieur». À l’issue de l’hommage républicain, des flyers indiquant «Darmanin, chef des policiers, homophobe assumé, violeur présumé» étaient retrouvés sur les pare-brises des véhicules garés autour du cordon de sécurité.
Un appel aux Stéphanais.e.s lancé par l’opposition
Ces actions résonnent avec un appel lancé, sur Facebook, par une partie de l’opposition de Saint-Etienne-du-rouvray. Dès le 24 juillet et l’annonce du déplacement de Gérald Darmanin, le groupe «St Étienne Vraiment à Gauche, pour un monde meilleur» (liste soutenue par le NPA lors des élections) qui siège au conseil municipal, s’insurgeait contre la venue du ministre: «Nous appelons la population de la commune à montrer son mécontentement de toutes les manières possibles au sujet de cette présence», expliquait le groupe.
Nous pensons que Darmanin, ministre des policiers coupables de violence et de racisme, et lui-même accusé de viol, est un personnage indésirable dans notre commune, où depuis de nombreuses années maintenant les luttes contre le racisme, le sexisme, les violences faites aux femmes et l’homophobie ont pris toute leur place.