À peine réélu député de la troisième circonscription de Seine-Maritime, Hubert Wulfranc a retrouvé Paris et une Assemblée nationale recomposée. Il nous livre ses premières impressions et annonce les combats à mener pour la gauche unie.
Vous avez été réélu avec plus de 70% des voix. Ça fait du bien?
Évidemment, le collectif qui s’est engagé pour ma candidature peut être satisfait, malgré l’abstention importante. En même temps, il faut s’extraire du résultat sur la circonscription et reconnaître le point noir: la percée du Rassemblement national à l’échelle du pays. On entre dans un rapport de force à l’échelle nationale qui laisse présager de mois délicats.
Vous étiez de retour à l’Assemblée nationale en début de semaine. Comment est l’ambiance?
Chaque sensibilité a eu et a beaucoup de choses à faire pour l’installation des groupes. Nous avons réinstallé le groupe GRD, Gauche démocrate et républicaine, à ce jour fort de 18 membres, 12 députés communistes et 6 ultramarins. Nous avons commencé à échanger autour de la mécanique très compliquée de désignation des responsables de l’Assemblée. Au simple vu de la situation politique très incertaine et instable, c’est compliqué. Cette ambiance est très particulière, complexe. Il va falloir tout le mois de juillet et peut-être début août pour prendre la mesure des conséquences du vote des Français, de cette nouvelle assemblée. Il faut beaucoup de patience et de dialogue. Je parle de patience active: sur le pouvoir d’achat, on imagine déjà notre contribution dans ce débat majeur.
Quel est l’agenda de l’assemblée?
Il y a trois textes d’ici fin juillet: les questions du prolongement des mesures législatives relatives au Covid, un rectificatif à la loi de finances et le troisième, le plus sensible, sur le pouvoir d’achat. C’est le débat prioritaire, porté par un projet de loi gouvernemental. Il va être dévoilé dans les jours qui viennent. Sur cette question, nous avons déjà esquissé des échanges. C’est le texte central pour les Français. Le débat va éclairer les Français sur les engagements réels des uns et des autres. C’est un texte très important, sur lequel je vais me concentrer. Le débat sur le pouvoir d’achat sera très instructif. D’abord parce qu’il répond à la préoccupation immédiate des Français. Puis il va permettre de voir ce que la majorité relative et le groupe parlementaire à l’extrême droite ont dans le ventre et ce que, nous à gauche, on a dans le ventre. Ensuite arrive la question de l’hôpital public, des soins. On touche plus que le fond. Le débat sur la santé sera notre priorité dans les jours qui viennent. Et ensuite? C’est le président qui donne le calendrier, c’est difficile de savoir ce qu’il va sortir de son chapeau. Il y a 650 mesures dans le programme de la Nupes. On les mettra sur la table en fonction du calendrier politique.
Quels vont être les rapports de force dans cette nouvelle assemblée?
Les textes de loi vont être disputés, du fait de ce nouveau rapport de force. Chacun s’interroge sur la capacité de ce gouvernement à écouter la diversité des propositions qui émergeront des différents groupes de l’opposition. En tout état de cause, le pouvoir des députés va peser sur le contenu des textes de lois. Plus que ces cinq dernières années où c’était verrouillé. Au delà des sentiments, les actes vont tomber au cours du débat sur le pouvoir d’achat. Dans le bloc Nupes, l’organisation va se peaufiner dans les jours qui viennent. On est dans la phase de construction des rapports politiques à gauche, c’est assez inédit. On est dans une situation d’exploration, de construction, beaucoup plus intense qu’il y a cinq ans. Ça n’a rien à voir.
Ce nouveau mandat s’annonce plus compliqué que le précédent?
Ce sera plus compliqué mais plus productif. Pendant cinq ans, on a eu affaire à une majorité pléthorique et Playmobil. La capacité pour l’opposition de peser sur les débats était réduite, voire nulle. Ce sera différent aujourd’hui. On peut craindre une trajectoire de plus en plus à droite. Mais quand on va travailler texte par texte, la voix de chaque député, dans toutes les sensibilités, va beaucoup plus compter. La situation est inédite, quasiment dans toute la Ve République. C’est une expérience qui débute. Le Parlement va redevenir le lieu de l’initiative politique et des débats pour les Français. En soi, c’est vraiment une bonne chose.
Un bilan de votre première mandature?
Avec le système jupitérien et la majorité pléthorique, l’action a été difficile pour l’opposition. Les fruits de nos combats ont été difficiles à percevoir, que ce soit dans le relais des luttes sur le terrain ou dans le fond des textes de lois, ça a été difficile de résister. Les cinq ans qui s’ouvrent vont être encore plus exigeants. Tout dépend des mobilisations sur le terrain. Le contact avec les forces vives de terrain, syndicales, associatives, les nouvelles formes d’action de la société civile… On est dans l’héritage des Gilets jaunes, des manifestations pour le climat. Comment on va approfondir le lien avec ce mouvement social en évolution, pour appuyer ce qu’on veut défendre et amener à l’Assemblée nationale?
Comment vous organisez-vous entre l’Assemblée nationale et votre circonscription?
Pratiquement, je suis deux ou trois jours par semaine à Paris, dans une bulle où je regarde les lois, les textes, les rapports de force politiques. Mais il faut s’efforcer de rester le plus possible en lien avec ce qui se dit et se pense dans la rue, sur les lieux de travail… Il faut maintenir cet équilibre. En cinq ans, tout a changé. On était dans l’hypothèse d’une nouvelle dynamique, avec un président qui changerait tout, amalgamerait des idées de droite et de gauche pour faire la meilleure politique possible… Aujourd’hui, c’est la désillusion profonde, à nouveau. Ça va jusqu’à une tension que j’ai rarement connue. Les propos sont beaucoup plus violents. Et se traduisent par ces résultats dans les urnes.