Les patrons de la boulangerie O grain d’or lancent une pétition pour empêcher l’expulsion de Sékou Keita, leur apprenti qu’ils forment depuis fin 2021.
Sékou Keita a quitté sa famille à 15 ans, fui son pays le Mali et traversé la mer pour atteindre la France après 8 mois de voyage. Arrivé à Rouen en pleine crise du Covid, en mars 2020, il aurait pu finir à la rue s’il n’avait pas été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) : le service du Département qui veille à ne pas laisser les mineurs non- accompagnés livrés à eux-mêmes. C’est grâce à l’ASE que Sékou entre au centre de formation Simone-Veil et devient apprenti à la boulangerie stéphanaise O grain d’or en décembre 2021.
Mais ce n’est pas le souvenir de son périple qui empêche aujourd’hui le jeune Malien de dormir. À désormais 19 ans, Sékou risque d’être expulsé et de voir tous ses efforts réduits à néant. « Toute cette procédure, ça me réveille la nuit, j’y pense en travaillant, je ne me sens plus comme avant », confie celui qui prend des cours de français sur son temps libre. Parce qu’il est devenu majeur, ce grand timide a reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF) de la part de l’État en novembre 2022. « On s’est mobilisés pour l’aider à régulariser sa situation », expliquent ses patrons, Jacques et Rosamé Ferreira, soutenus dans leurs démarches par le député Hubert Wulfranc et le maire Joachim Moyse.
Sékou finit par obtenir ses papiers d’identité via l’ambassade du Mali, si bien qu’en juin 2023, le tribunal administratif de Rouen fait annuler son OQTF et somme la Préfecture de Seine-Maritime de donner à Sekou un titre de séjour en bonne et due forme. Mais la victoire sera de courte durée.
« C’est du gâchis »
En juillet, la Préfecture fait appel de la décision du tribunal administratif. Motif : il y aurait un doute quant à l’authenticité de ses papiers d’identité. « Je n’arrive pas à croire que l’on me dise que les papiers donnés par l’ambassade soient des faux », commente Sékou. « On ne comprend pas, ajoutent ses patrons. Ce sont les finances publiques qui ont permis que Sékou soit pris en charge par l’ASE. Il a été hébergé, soigné et admis en centre de formation, tout ça c’est de l’investissement financier et maintenant l’État veut l’expulser. C’est du gâchis et ce n’est pas juste. »
Déterminé à garder l’apprenti après l’obtention de son CAP, le couple Ferreira a lancé une pétition avec l’aide du Réseau éducation sans frontières (RESF). « Sékou n’est pas un cas isolé, on accompagne de nombreux jeunes apprentis menacés d’expulsion, expliquent Hubert Pouleau et Françoise Beucher de RESF, qui dénoncent un acharnement des Préfectures à l’encontre des jeunes majeurs, particulièrement la Préfecture de Seine-Maritime ». « Comme tous les métiers de bouche, on galère à recruter, ajoutent les boulangers. Sékou est professionnel, ponctuel, rigoureux, il vient au travail à 5 h du matin en trottinette depuis le centre de Rouen. Si on veut une relève, on doit compter sur ces jeunes-là.»