L’État vient de dire oui au projet de “contournement est”. Les maires de Oissel et Saint-Étienne-du-Rouvray, deux communes très concernées, expriment une nouvelle fois leur désaccord.
Dans le dossier hautement clivant du « contournement est » de Rouen, le vent tourne et ramène les particules nocives vers les communes du sud de la Métropole – en commençant par Saint-Étienne-du-Rouvray et Oissel.
En effet, quelques jours après avoir officiellement inauguré le « grand contournement ouest » (GCO) de Strasbourg, le Premier ministre Jean Castex a annoncé que l’État donnait son feu vert au projet haut-normand, qui s’accélère avec dès janvier prochain l’ouverture de l’appel à candidatures pour la concession de cette future autoroute. Et comme dans le cas du contournement de Strasbourg, la décision du gouvernement est prise contre l’avis des élus locaux. Le 8 février dernier, lors d’un conseil métropolitain, deux tiers des élus avaient voté contre le financement du contournement est. Une décision sur la forme (le financement par la Métropole, très minoritaire dans ce chantier à près d’un milliard d’euros), pour dire non au projet lui-même.
Avec un sens très particulier de la décision démocratique et sans doute nantis de finances illimitées, la Région Normandie et le Département de Seine-Maritime avaient alors annoncé prendre à leur charge la part de la Métropole dans le financement du projet. Dix jours après le vote de la Métropole, devant le Sénat, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili indiquait « Nous ne souhaitons pas avancer contre les collectivités locales ». Dix mois plus tard, c’est pourtant chose faite.
Le 16 décembre, Joachim Moyse, maire de Saint-Étienne-du-Rouvray et Stéphane Barré, maire de Oissel, ont réagi dans un communiqué co-signé à l’annonce gouvernementale. Ces deux communes, leurs habitants et leur économie sont très concernés par le contournement est, qui devrait s’ancrer au niveau du rond-point des Vaches avant de traverser la Seine par viaduc puis la commune de Oissel.
« Cette décision est lourde de conséquence.
Elle balaye avec mépris tous les arguments avancés par les élus d’Oissel et de Saint-Étienne-du-Rouvray indiquant les nombreux désavantages pour la population et l’environnement de ce projet de Contournement Est.
Elle méprise aussi la ferme et constante opposition des élus locaux réunis au sein d’une association, rejoints depuis par une large majorité à la Métropole de Rouen. Nombreux aussi sont les élus de l’Eure opposés à ce projet. Ensemble, ils disent NON à cet aménagement pour lequel les habitants ne tireront aucun profit, mais au contraire en subiront les impacts en termes de pollution, de bruits et de coûts.
C’est l’évidente influence de quelques-uns, et notamment du patronat, qui veulent tordre le bras à l’État pourtant condamné pour son inaction climatique.
Imposer ce choix en plein débat sur la santé, avec le dérèglement climatique que nous subissons, est irresponsable.
Jamais en cinquante ans, ce projet n’a trouvé de terrains propices à sa réalisation car entaché d’inconvénients bien plus importants que de gains réels :
Les études de circulation et de report des flux attendus par cet ouvrage n’ont jamais pu démontrer leur véritable impact positif sur la qualité de vie des habitants de la Métropole de Rouen.
L’argument qui soutient l’affirmation que le développement des véhicules électriques serait la solution à tous les problèmes de bruit, de pollution ne tient pas. Les bruits de roulement, de freinage et d’accélération des véhicules électriques sont réels. Et puis à quand un déploiement total des véhicules 100% électrique sur notre territoire ? D’ici là, la pollution continuera de faire des ravages sur la santé de nos concitoyens.
Le coût du péage enfin qui sera un réel frein à l’utilisation de ce Contournement conduisant immanquablement les automobilistes et les chauffeurs routiers… à le contourner !
D’autres solutions doivent être priorisées car il est urgent de concevoir des alternatives de transport des personnes et des marchandises sur Rouen.
Le budget conséquent de 886 millions d’euros (chiffre de 2015) prévu dans le cadre de ce projet serait bien plus utile au développement des connexions ferroviaires, du Tram-Train sur l’ensemble de la Métropole, pour le développement du fluvial et d’autres alternatives en matière de mobilités restant à inventer, limitant ainsi nos impacts sur l’environnement et la qualité de vie, dans l’intérêt général, tout simplement. »
Les deux maires demandent donc au Premier ministre de revenir sur sa décision. “Dans tous les cas, le combat ne s’arrête pas là. Avec la Métropole et tous les élus qui se sont mobilisés, je ne baisserai pas les bras contre ce projet inacceptable”, annonce par ailleurs Joachim Moyse.
Le contournement est, qu’est-ce que c’est ?
D’une longueur de 40 km, cette autoroute payante doit permettre de relier l’A 28 au nord et l’A 13 au sud, créant ainsi un axe continu entre Calais et Bayonne, et désengorgeant le trafic routier à proximité de Rouen. Dans les tuyaux depuis une cinquantaine d’années, ce projet risque notamment de créer une nouvelle augmentation du trafic routier, et il ne tient pas compte de sujets inconnus il y a 50 ans: la protection de l’environnement, du paysage et des populations, l’urgence climatique, la valorisation de mobilités alternatives (train, fluvial…), la maîtrise de la dépense publique…