L’unité pour malades difficiles du centre hospitalier du Rouvray a organisé ses 5e jeux de l’UMD : un rare moment de rencontre et d’ouverture.
Sur une poutre posée au sol, un patient tente de trouver l’équilibre, soutenu par un athlète de la Sottevillaise, le club de gymnastique de Sotteville-lès-Rouen. Dans une autre salle, quelques grands gaillards ont enfilé des gants et échangent des coups de poing, et des contacts visuels, avec des boxeurs de la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail). Plus loin, ce sont les sportifs de haut niveau des Dragons de Rouen et des Valkyries qui animent des ateliers de hockey et de rugby sous l’œil des soignants en blouse blanche. Ce jeudi 21 septembre, c’est la cinquième édition des jeux de l’UMD (unité pour malades difficiles), un événement unique en France. Il se déroule dans l’unité pour malades difficiles du centre hospitalier du Rouvray. Il existe en France seulement dix UMD, qui accueillent, dans des conditions quasi carcérales, des patients psychiatriques considérés comme dangereux pour eux-mêmes ou les autres, hospitalisés sous contrainte.
Déstigmatiser la maladie
Alors que le site de l’hôpital du Rouvray est ouvert aux visiteurs, qui peuvent apprécier la quiétude de ses espaces verts, l’UMD est un service fermé, entouré d’un mur d’enceinte et truffé de caméras de surveillance. Les patients, une vingtaine d’hommes actuellement, y séjournent en moyenne six mois. En plus de recevoir des traitements médicamenteux lourds et nécessaires, les patients pratiquent des activités sportives, manuelles et de loisirs, qui font partie de la thérapie. Mais les échanges avec l’extérieur sont rares et contrôlés. Cette journée des jeux de l’UMD est donc exceptionnelle.
« Les bienfaits du sport sur la santé, y compris mentale, sont connus. Mais cette journée où on fait entrer le monde extérieur dans l’UMD par le biais d’ateliers sportifs, c’est aussi une façon de créer de l’interaction et de la confiance entre les patients et l’équipe médicale. Le retour des patients est très positif, on en entend parler pendant des mois », explique le docteur Bilal Bendib, l’un des médecins responsables de l’UMD. Selon lui, un patient n’est dangereux que s’il est mal soigné (ou non soigné). Un patient bien suivi et soigné n’est plus dangereux. Cette déstigmatisation de la maladie mentale, même sévère, est aussi l’objectif d’une journée comme les jeux de l’UMD.
En 2018, les jeux de l’UMD avaient été créés d’après l’idée d’un ancien patient. L’événement mobilise toute l’équipe soignante et de nombreux partenaires extérieurs, sportifs et institutionnels. La réussite de cette opération est exemplaire, au point que des représentants d’autres UMD français étaient présents le 21 septembre, pour créer le même genre d’événement dans leurs établissements et peut-être même une journée nationale en 2024. Mais la meilleure preuve des bienfaits de cette journée, c’est encore dans les applaudissements, les rires et les sourires sur les visages des patients qu’on l’aura trouvée.