Livraison à domicile : de l’autre côté de l’appli

Les livreurs à domicile font désormais partie du paysage urbain. Un univers où chacun se débrouille pour en vivre. Rencontre avec l’un de ces jeunes que les coups de pédale n’effraient pas.

Les livreurs à domicile (sont) semblent être devenus incontournables en ces temps de confinement et de couvre-feu. Difficile d’avoir des chiffres localement, mais pour Le Monde, la firme américaine Uber Eats a accepté d’en livrer au niveau national : plus 100 % d’activité en France (230 agglomérations desservies) au deuxième trimestre 2020 par rapport à celui de 2019. Plus 130 % entre août 2019 et août 2020. Entre mars et juin, 5 000 nouveaux restaurants (+ 100 %) et autant de livreurs ont rejoint l’application, téléchargée 12,5 millions de fois en 2020.

L’agglomération rouennaise n’a pas échappé à la règle. Youssef*, 18 ans, s’est lancé lors du premier confinement. « En mars, j’ai eu l’intuition que les choses allaient durer, explique celui qui était à l’époque lycéen (depuis il a décroché son bac). Je me suis dit que je n’allais pas rester les bras croisés et j’ai cherché une activité qui me correspondait. »

Ce sera la livraison à domicile. « J’ai dû créer ma micro-entreprise. Ça été un peu compliqué mais deux à trois semaines plus tard, j’ai commencé chez Uber. »

Il découvre un système où chacun se débrouille comme il veut. Ou comme il peut. Gère l’aspect financier puisqu’il faut mettre de côté les cotisations Ursaff, auxquelles s’ajoute une petite partie pour les impôts, soit près de 25 % des revenus générés. Devenu un habitué du système, il porte désormais une double casquette avec celle de Deliveroo. « C’est toléré si on ne fait pas n’importe quoi… » Ici pas vraiment de collègues, plutôt d’autres livreurs « avec qui on noue des liens. Mais si un jour, l’un est absent, on se dit que ça fera plus de courses pour soi. »

« Tout marche à la commission »

« Tout marche à la commission, avec parfois des challenges pour gonfler les revenus, les jours de pluie pour inciter les livreurs à sortir ou le 1er janvier par exemple.» Avec des bonus multiplicateurs aussi. À Saint-Étienne-du-Rouvray, il est de 1,2 car la ville est moins bien desservie. Un très bon mois, Youssef peut toucher près 2 000€, moins les charges, soit 1 500 € net. « Mais c’est 7 jours sur 7, midi et soir. Et tous les frais pour le matériel et son entretien sont à notre charge.» Lui a investi dans un vélo électrique haut de gamme.

À l’occasion, il croise parfois des salariés qui viennent arrondir leur fin de mois. Quelques retraités aussi. Lui, en attendant de reprendre ses études à la rentrée, préférerait avoir un CDI. « Ça ferait moins de pression et je pense qu’on pourrait mieux faire notre travail. » La marque Just Eat assure vouloir embaucher, mais pour l’heure le statut de micro-entrepreneur reste la règle. Avec une perte de revenus immédiate en cas de maladie ou de blessure.

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