Le célèbre écrivain Michel Bussi situe une partie de son dernier roman (Mon cœur a déménagé) au Château blanc et en particulier autour de l’immeuble Sorano. Interview stéphanaise avant sa venue à la bibliothèque Elsa-Triolet le 2 avril.
Pourquoi avoir choisi l’immeuble Sorano comme lieu emblématique dans votre dernier roman ?
Michel Bussi : Dans mon histoire, il y avait l’idée pour l’héroïne d’une trajectoire entre la rive gauche et la rive droite, de Saint-Étienne-du-Rouvray aux quartiers au-dessus de la gare de Rouen, comme le Mont Fortin. Je me suis projeté sur le Château blanc, dans les années 1980. Il fallait que ça soit suffisamment réaliste, mais avec des éléments qui n’existent pas. La mère de l’héroïne tombe d’une passerelle, qui n’existe pas au Château blanc. Pas plus que la rocade qui isole le quartier. Ça je l’ai inventé, c’était nécessaire pour mon histoire. Et puis j’aime le nom Sorano. Dans ce quartier, les noms de rues viennent d’acteurs d’après-guerre, Raimu, Jouvet, Signoret… Sorano est celui d’un acteur que la plupart des gens ont oublié. On ne sait pas trop d’où ça vient.
Vous avez fait des repérages au Château blanc ?
Je n’ai pas fait de repérages particuliers, mais je suis rouennais depuis toujours, je connais les quartiers de la métropole. Pour l’immeuble Sorano, j’ai regardé des cartes anciennes, j’ai lu des choses sur sa démolition. Je suis souvent venu à Saint-Étienne-du-Rouvray, une de mes premières signatures c’était à l’Espace culturel Leclerc. Et puis je suis souvent allé au pôle universitaire du Madrillet et plusieurs fois dans des écoles pour un atelier d’écriture ou le concours de nouvelles de l’Armada.
Que retirez-vous de vos rencontres avec des scolaires ?
Il y a une énergie particulière, c’est génial. Voir un écrivain qui est vivant, déjà ça les étonne. Je suis allé voir des jeunes un peu partout dans l’agglo, aussi bien à Saint-Étienne-du-Rouvray qu’à Bois-Guillaume, dans des écoles publiques et privées. Ils ne se positionnent pas par rapport à leur territoire, ils ont la même curiosité et la même innocence quels que soient le lieu et l’origine. On vient avec des étiquettes dans la tête et leur réalité n’est pas celle-là. Le système existe, mais dans le tête-à-tête avec un écrivain ou une œuvre, les choses sont beaucoup plus inattendues.
Cette idée de la dualité géographique et sociale entre la rive gauche et la rive droite est importante dans votre roman.
Rouen a une double identité, avec d’un côté la ville-musée, l’Armada et de l’autre des villes comme Saint-Étienne-du-Rouvray ou Oissel, des grandes communes qui ont quasiment une politique autonome vis-à-vis de la métropole. L’agglomération de Rouen reste une des plus ségréguées de France. C’est aussi ce que raconte le livre. C’est fondamental et ça bouge peu. On voit mal Saint-Étienne-du-Rouvray basculer à droite ou Bois-Guillaume basculer à gauche. Il y a une forme d’équilibre. Saint-Étienne-du-Rouvray est emblématique par rapport à ça.
À un moment du roman, vous êtes critique avec les politiques de renouvellement urbain, cette tendance sans fin à démolir pour reconstruire…
Sans doute pour de bonnes raisons, il faut rénover. On va donc tout raser pour reconstruire autre chose, comme s’il n’y avait pas de souvenirs. On associe les habitants, comme si eux-mêmes n’avaient pas de souvenirs, comme si leur vécu était détruit aussi. Alors que bien entendu, il y a eu des histoires d’amour, des attachements aux lieux, des choses belles qui se sont déroulées dans ces quartiers, des tas de souvenirs. C’est important d’avoir un cadre de vie agréable et confortable, mais Il n’y a pas besoin d’un bel environnement pour vivre de belles choses. Ce qu’on vit n’est pas inférieur, les souvenirs n’ont pas moins de valeur.
Rencontre dédicace avec Michel Bussi le mardi 2 avril à la bibliothèque Elsa-Triolet, de 18h30 à 20h. Nombre de places limité, sur réservation au 02 32 95 83 68.