Licencié au Football club de Saint-Étienne-du-Rouvray depuis 2013, Mohamed Hachhach risque de devoir repartir au Maroc à la demande de la préfecture. Un choc pour les jeunes qu’il entraîne et l’ensemble des membres de l’association.
Assis face à leur coach, les jeunes U12 (l’équipe des moins de 12 ans, NDLR) du Football club de Saint-Étienne-du-Rouvray (FC SER) écoutent avec attention ses remarques à l’issue du match amical qui vient de les opposer à Caudebec-lès-Elbeuf. Une victoire nette et sans bavure pour cette première rencontre depuis ces longs mois marqués par la pandémie. Face à eux, Mohamed Hachhach les félicite et donne les consignes pour le prochain entraînement. Une scène classique qui pourrait bientôt n’être plus qu’un souvenir pour le jeune homme de 26 ans, originaire du Maroc, et qui vient de recevoir une obligation de quitter le territoire français de la part de la préfecture de Seine-Maritime (OQTF).
«C’est un super coach»
Une situation que les jeunes footballeurs ne trouvent pas juste. «Ça ne se fait pas, résume Nahil, le numéro 10 de l’équipe. Mohamed, on le connaît depuis longtemps. C’est un super coach. Parfois, il est sévère mais il nous motive. C’est pour que l’on progresse. Nous, on veut qu’il reste ici». Face à ses «petits» comme il les appelle, on sent l’émotion de leur éducateur qui habite chez ses parents adoptifs, son oncle et sa tante, à Sotteville-lès-Rouen, depuis son arrivée en France en 2010. «Ça a été un choc quand j’ai reçu la lettre», explique Mohamed Hachhach dans l’un des bureaux du club house où il salue tout le monde. «Au Maroc, il n’y a plus rien qui m’attend. Là-bas, ce sont mes grands-parents qui m’ont élevé. Mais ils devenaient trop vieux pour s’occuper de moi et c’est pourquoi mon oncle a décidé de me recueillir. Depuis, ma vie je l’ai construite ici, autour du football. J’aime mon rôle d’éducateur et je souhaite pouvoir passer des diplômes pour me professionnaliser. Mais sans titre de séjour, c’est impossible de le faire.»
Plusieurs demandes de régularisation
Depuis sa majorité, le jeune homme a déjà déposé plusieurs demandes de régularisation. Sans succès. Une situation qui ne l’empêche pourtant pas de s’impliquer au sein du club où il est licencié depuis 2013. «Ça s’est fait petit à petit. J’ai d’abord donné un coup de main. Puis j’ai pris la responsabilité d’une équipe, puis d’une autre.» Disponible, souriant, compétent, Mohamed Hachhach fait l’unanimité au sein de l’association qui voulait même lui proposer un service civique. Mais sans papiers, pas de contrat possible. «Les gamins l’adorent. Les parents aussi, assure au téléphone le président Laurent Byrotheau. Il prouve au quotidien, par son implication et son sérieux, que sa place est ici.» Même son de cloche du côté de l’entraîneur de l’équipe première, Gaëtan Travailleur: «Mohamed fait partie de la famille du club. On ne va pas le laisser tomber. On a décidé de l’épauler dans ses démarches, d’aller voir une avocate avec lui», détaille celui qui ne tarit pas d’éloges pour son arrière-droit favori.
Tous veulent le voir rester et le club a même lancé une pétition en ligne qui a déjà recueilli plus de 2.000 signatures. Un courrier du maire Joachim Moyse a lui déjà été envoyé au préfet pour lui demander de revoir sa position. «J’ai reçu beaucoup de témoignages de sympathie. Ça fait chaud au cœur de voir que les gens tiennent à moi. J’espère qu’on va trouver une solution.» Un dossier pour contester l’OQTF va être déposé tout prochainement auprès du tribunal administratif de Rouen avec toutes les preuves de son intégration au sein de la communauté stéphanaise. Avec, tous l’espèrent, une décision favorable qui permettrait enfin à Mohamed Hachhach de se construire un avenir solide auprès de ses «petits» auxquels il est tant attaché.