Tandis que la qualité de l’air s’améliore sensiblement depuis le début du confinement, une étude italienne évoque un «lien étroit» entre pollution atmosphérique et diffusion du Covid-19. Cette étude est toutefois contestée par la communauté scientifique française.
Il suffit de mettre le nez à la fenêtre pour le constater: l’air sent bon*. Les odeurs de diesel et d’ozone ne chatouillent plus trop les narines. Atmo Normandie, l’association en charge de mesurer la qualité de l’air, affiche depuis deux semaines des résultats encourageants.
Sur l’échelle allant du vert tendre («très bon») au rouge écarlate («très mauvais»), le territoire normand est souvent gratifié, depuis deux semaines, d’un vert foncé («bon»). Ce vert plus ou moins foncé indique une réduction des pollutions liées à l’activité humaine, et, en particulier, celles liées à la circulation routière.
Sauf qu’aujourd’hui, vendredi 27 mars, l’indice global de la qualité de l’air a viré au jaune orangé («médiocre») sur l’ensemble de la Normandie. Pourtant, les courbes communiquées par Atmo montrent sans ambiguïté que le dioxyde d’azote (NO2) produit par les voitures et les camions sur les grands axes routiers rouennais reste inférieur aux émissions antérieures au confinement. Mais alors, pourquoi la Normandie est-elle aujourd’hui en jaune orangé?
«Il faut savoir qu’il y a plusieurs types de pollutions qui proviennent de phénomènes divers, explique Christophe Legrand, directeur adjoint d’Atmo, et ces phénomènes ne sont pas toujours directement liés à l’activité humaine. Ce que nous observons aujourd’hui avec cet air d’une qualité médiocre est dû à ce qu’on appelle un phénomène printanier qui se produit tous les ans au début de la belle saison. L’aspect laiteux du ciel n’est pas lié aux nuages mais aux particules secondaires liées à l’ensoleillement, à l’humidité et à la stabilité de l’air. Au printemps, la terre se réveille et le nitrate qu’elle contient se répand dans l’atmosphère. En chauffant, le nitrate produit alors une réaction chimique qui dégrade la qualité de l’air. Mais une chose est toutefois certaine: avec le confinement on a coupé un source bien plus toxique de pollution, celle de la voiture. Sans le confinement, cette journée combinerait ces deux phénomènes et l’air serait bien plus dégradé.»
Les quatre principaux polluants atmosphériques
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini quatre principaux polluants de l’air responsables des 4,2 millions de décès prématurés dans le monde (pour 2016). Ce sont les matières particulaires (PM), l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2).
- Le SO2 est produit par les moteurs, le chauffage et l’industrie. Il irrite les yeux et affecte les poumons, entraînant asthme et bronchites. Son contact avec l’eau provoque des pluies acides.
- Le NO2 provient lui aussi des combustions de moteur et de chauffage. Ce gaz toxique à forte concentration (inflammation importante des voies respiratoires) présente une concentration importante de particules fines et d’ozone.
- La pollution à l’ozone se manifeste par temps ensoleillé. Les rayonnements solaires provoquent des réactions chimiques notamment sur les oxydes d’azote. Là encore, l’ozone agit sur le système respiratoire.
- Les particules fines, dites PM10 et PM2,5, sont des poussières en suspension émises par les activités humaine et naturelle. Elles résultent d’une combustion imparfaite des carburants fossiles (sans-plomb, diesel, charbon), du bois de chauffage et de l’activité industrielle, pour ce qui est de l’activité humaine. Concernant l’activité naturelle, on peut évoquer les éruptions volcaniques et l’érosion des sols, les incendies de végétation. Les PM sont de six (PM10) à vingt-quatre fois (PM2,5) plus fines que l’épaisseur d’un cheveu. Elles pénètrent en profondeur dans les poumons et aggravent la santé des personnes souffrant de maladies pulmonaires et cardiovasculaires.
Particules fines vectrices du Covid-19?
La société italienne de médecine environnementale (Sima) et des chercheurs des universités de Bologne, de Milan, de Trieste et de Bari ont publié une étude qui estime avoir découvert «un lien étroit» entre la pollution aux particules fines et la diffusion du Covid-19 et des virus de manière générale.
Selon cette étude italienne publiée il y a quelques jours, «l’augmentation des cas de contagion qui ont touché certaines régions du nord de l’Italie pourrait être liée à la pollution aux particules fines qui ont joué un rôle de vecteur et d’amplificateur de la contagion».
L’étude italienne indique également que les conditions météorologiques jouent un rôle dans la diffusion du virus: «tandis qu’une augmentation des températures et du rayonnement solaire affecte positivement le taux d’inactivation du virus, une humidité relative élevée peut favoriser un taux de diffusion du virus plus élevé, c’est-à-dire la virulence.»
La communauté scientifique française émet toutefois des doutes au sujet de cet étude qu’elle juge précipitée et non conforme au processus de validation scientifique. Christophe Legrand, d’Atmo Normandie partage cet avis:
«Il faut savoir qu’il y a toujours eu des particules dans l’atmosphère. Là où elles sont en très forte concentration, elles altèrent l’arbre respiratoire. Le virus profitera de cette altération des voies respiratoires pour s’installer car les portes sont grandes ouvertes. Mais rien ne dit que le virus peut s’accrocher aux particules fines. Je ne comprends pas ce qu’il y a derrière le concept développé par l’étude italienne.»
Que les Italiens s’avancent un peu trop vite ou non, réjouissons-nous que le robinet à pollution d’origine humaine soit partiellement fermé, cette amélioration de la qualité de l’air fait du bien aux poumons et contrarie le Covid-19. C’est déjà ça de gagné.