Quatre fois champion du monde, trois fois d’Europe et six fois de France, Affif Djelti, l’entraîneur du Ring stéphanais a eu un parcours hors norme qui a marqué l’histoire de la boxe anglaise.
Les jeunes s’échauffent dans la salle du Ring stéphanais. Petites foulées, rotations de l’épaule, à peine élancé, le groupe fait déjà bloc, concentré. «L’ordre et la discipline mènent à la victoire», assène Affif Djelti. Le champion du monde est détendu, dans son élément, entre ces cordes et ces sacs de frappe où, dans les années 2000, «s’entraînaient quatorze pros du ring».
Méconnu en France et à Rouen où il a débarqué à ses cinq ans depuis le port de Mostaganem en Algérie, il reste hors de l’Hexagone une figure très respectée de la boxe professionnelle. Sa carrière aux titres pléthoriques est citée en exemple. Et pour cause, la vie du boxeur normand est digne d’un scénario à la Rocky Balboa. L’histoire du loser qui, de l’ombre à la lumière, devient le champion que personne n’attendait.
Tout commence à l’âge où Djelti, le quasi-quarantenaire, aurait dû raccrocher les gants, le corps et l’ego meurtris. Mais Affif le persévérant n’a rien lâché: «Premier combat: perdu; deuxième combat: perdu; troisième combat: perdu; quatrième combat… perdu.»
La liste des défaites, rétrospectivement, sonne comme un mantra: jamais, au grand jamais, tu n’abandonneras, semble-t-elle dire.
Violent et doux
Ce mantra, Affif nous l’avait égrené dans un bistro rouennais bondé, peu de jours auparavant. Sa voix sautillait, infatigable, sur le ring du brouhaha ambiant. Et puis, comme un uppercut venu de nulle part, le sexagénaire nous a sonné: «Février 2000: champion du monde; juillet 2000: champion du monde; février 2001: Champion du monde; juillet 2001: champion du monde».
À cette litanie des victoires, celui qui fut le roi du ring à ses 41 ans, ajouta cette autre, digne d’un maréchal soviétique: «Médaille d’argent de la jeunesse et des sports, médaille du fair-play, chevalier du mérite de la boxe, deux fois gants de bronze, chevalier de l’ordre national du mérite.»
Pourtant nulle once de vanité dans les gants de Djelti. Ces titres, ces médailles, il en est fier. Qui ne le serait pas?
Mais celui que ses amis dépeignent comme «violent sur le ring et doux comme un poussin à l’extérieur» n’a jamais pris la grosse tête («Il fait le serpent mort et il pique!», explique son ami Ramdane Serdjane, ancien double vainqueur de la coupe de France et champion d’Algérie).
Un peu amer, parfois, de n’avoir pas de salle portant son nom à la Grand-Mare, à Rouen, où il a grandi, il reste attaché à son rôle de passeur de boxe. Surtout auprès des jeunes. Ces jeunes stéphanais·es à qui il ne cesse de répéter, tel un autre mantra: «Ne cherche pas à détruire, si tu veux gagner, construis ta victoire.»