Entre annulations et réorganisations permanentes, les artistes et les professionnels du Rive Gauche et du conservatoire de musique et de danse s’interrogent sur la justice des mesures restrictives qui leur sont imposées.
« Il faut que vous sachiez combien vous me manquez (…) la chaleur de votre salle, son souffle et le bonheur de se retrouver. (…) cette CULTURE essentielle à notre équilibre. » Ce courrier reçu début janvier a fait chaud au cœur de l’équipe du Rive gauche. Signé d’une fidèle, il résume parfaitement ce que la culture a de précieux, dans ses dimensions artistiques et humaines. Car s’il reste la lecture, les séries ou la musique pour s’évader, « l’art c’est aussi du commun, quelque chose qui se partage, insiste Lucie Brière, la directrice du conservatoire de musique et de danse. D’ailleurs, à chaque fois qu’on a rouvert après les périodes de fermeture, les gens nous ont dit à quel point la relation humaine leur avait manqué ».
Alors que les salles de spectacles et les musées sont fermés depuis fin octobre, le manque semble d’autant plus difficile à supporter que la période que nous traversons est anxiogène : « On voit les vertus thérapeutiques du sport, mais on ne voit pas celles de la culture », regrette Édouard Bénard, adjoint au maire au sport, aux loisirs, à la culture. « L’épidémie a rendu nos existences moins gaies, l’art peut justement nous aider à traverser ces moments difficiles », renchérit Lucie Brière. « Déjà, en temps normal, on a besoin de la culture, qui nous permet de fabriquer un imaginaire commun, mais aujourd’hui qu’on se retrouve isolés, on a encore plus besoin de culture pour ne pas sombrer, résume de son côté Bouba Landrille Tchouda, chorégraphe associé du Rive gauche. La question de savoir si la culture est essentielle ou non ne se pose pas ! »
La crainte d’un repli sur soi
Si le manque paraît évident pour les publics habitués, il est aussi très dommageable « pour ceux qui le sont moins, souligne Raphaëlle Girard, directrice du Rive Gauche. Je pense par exemple au travail que nous avons fait avec un groupe de femmes qui avaient petit à petit pris l’habitude de pousser la porte du Rive Gauche. Je crains pour ces publics un repli sur soi, sur les écrans, sur les chaînes d’information qui répètent en boucle que la culture est non essentielle. »
« Essentiel, non essentiel », les mots ont été mal choisis selon Édouard Bénard : « Il y a une violence sémantique à cataloguer les professions et les secteurs. Non vital aurait été plus audible. » À cette violence symbolique s’ajoute un sentiment d’injustice qui nourrit la colère du milieu de la culture : « Tant mieux si les lieux de culte restent ouverts, mais pourquoi les lieux de culture ne sont-ils pas logés à la même enseigne, alors que nous avons montré que nous étions capables de mettre en place des protocoles sanitaires très sérieux ! s’insurge Raphaëlle Girard. C’est ce deux poids-deux mesures que je ne comprends pas ! » « Cette injustice et ces incohérences sont incompréhensibles, approuve Bouba Landrille Tchouda. C’est ce qui nous plonge dans le désarroi. »