Six offres de reprise ont été présentées aux salariés de l’usine UPM de Grand-Couronne. Mais aucune ne maintient la fabrication de papier journal, malgré la pénurie dont souffre le secteur.
Les salariés de l’usine de papier journal UPM-Chapelle Darblay de Grand-Couronne les avaient vus défiler ces dernières semaines. Ils savent désormais qui étaient ces mystérieux visiteurs… Les candidats à la reprise du site leur ont été présentés lors d’un Conseil social et économique central (CSEC), mardi 17 décembre.
Selon Arnaud Dauxerre, un cadre proche de la CGT, et Cyril Briffault, représentant CGT, trois offres sur les six déposées sont jugées «très sérieuses» et susceptibles de sauver l’activité du site et ses 236 emplois. «Il n’y a en revanche aucun projet de reprise de la fabrication de papier journal, explique le cadre, au mieux, ce sont des projets de fabrication de papier d’emballage.»
La décision brutale des actionnaires de céder le site contraste avec la santé financière insolente du groupe finlandais UPM-Kymmene (lire Le Stéphanais n°267). Ce dernier étant même désormais totalement désendetté!
Envolée des prix
La décision de céder le site grand-couronnais s’inscrit en outre dans un contexte d’augmentation du prix du papier journal en Europe, du fait de la raréfaction de l’offre. «Sur 2019, on a en effet observé une augmentation du papier de l’ordre de 11%», confirme Sylvain Hue, directeur de l’imprimerie de Paris-Normandie.
Un document édité par le groupe finlandais montre une envolée des prix du papier graphique depuis 2013. La tonne de papier journal se négociant alors autour 490€ contre 550€ en janvier 2019. Les prix seraient aujourd’hui encore plus élevés…
Si Sylvain Hue «maintient sa confiance à UPM» qui est un partenaire historique du quotidien normand, le directeur d’imprimerie déplore que la fin possible de la production de papier journal 100% recyclé à quelques kilomètres ne fasse encore s’envoler les prix (et le bilan carbone) en raison des kilomètres qu’il faudra parcourir en camion depuis l’Allemagne ou l’Espagne…
Destruction de l’outil
Le groupe finlandais n’en est toutefois pas à son premier coup de massue sur son outil de production. Le 21 octobre 2017, le journal Le Monde révélait que le PDG d’UPM France, Jean Kubiak, reconnaissait avoir ordonné le sabotage des machines installées dans son usine de Docelles (Vosges), à l’arrêt depuis 2014. Le but étant que ces machines à 100 millions d’euros ne puissent pas être utilisées par la concurrence, sur un marché, on l’a déjà dit, très favorable aux profits.
En 2019, UPM fermait encore une machine de papier journal à Platting, en Allemagne, et son usine de Rauma en Finlande, tandis que le groupe annonçait en fanfare à ses actionnaires l’ouverture d’une usine en Uruguay… où le salaire moyen est de 380 € par mois pour 48 heures de travail par semaine. Les actionnaires espèrent trois à quatre milliards de dividendes les cinq prochaines années…
Soutien des élus aux salariés
Le 13 décembre dernier, le maire Joachim Moyse, le député Hubert Wulfranc, la sénatrice Céline Brulin et le maire de Grand-couronne, Patrice Dupray, écrivaient un courrier au président de Région, Hervé Morin: «une fermeture de l’usine serait synonyme d’une perte de 25% des débouchés du papier recyclé en France, ce qui déstabiliserait durablement la filière du recyclage français, en plus de mettre fin à l’une des expériences françaises les plus abouties en matière d’économie circulaire.».