Le 9 mai s’est tenue à la salle festive une réunion publique sur le thème de la ZFE (Zone à faibles émissions). Plus de 300 personnes y ont assisté, pour témoigner de leur inquiétude et de leurs interrogations.
Certains sont venus à la salle festive en voiture, d’autres à moto, à pied ou à vélo. En tout cas, les Stéphanaises et Stéphanais (et même au-delà) sont venus en nombre, plus de 300 personnes, pour participer à cette réunion publique sur le thème de la ZFE. C’est que le sujet est capital.
Depuis le 1er janvier, des restrictions de circulation et de stationnement s’appliquent dans les douze communes de la Métropole Rouen Normandie qui ont signé la ZFE-m (Zone à faibles émissions mobilité). Elles concernent pour l’instant les véhicules utilitaires les plus polluants (vignettes Crit’Air 4 et 5). Mais dès le 1er septembre, c’est à dire demain, l’interdiction sera étendue à l’ensemble des véhicules Crit’Air 4 et 5, y compris les voitures des particuliers, les deux-roues, les bus…
En 2025, ces mesures devraient être étendues aux véhicules avec la vignette Crit’Air 3. Ce qui veut dire que, concrètement, pour avoir le droit de rouler dans le périmètre d’une ZFE, les personnes qui possèdent des véhicules Crit’Air 3, 4 ou 5 devront en changer pour s’équiper de véhicules moins polluants, labellisés Crit’air 1 ou 2, ou zéro. C’est rien de moins que le renouvellement du parc automobile (et moto) qui est planifié.
Tout cela part sans doute d’une bonne intention: la nécessaire transition écologique et la lutte contre la pollution aux particules fines en ville. Mais la mise en place de la ZFE-m et son coût (financier et social) posent énormément de questions. La commune de Saint-Étienne-du-Rouvray ne fait pas partie du dispositif ZFE-m. Géographiquement, elle pourrait, elle est sur le territoire de la Métropole. Mais au conseil municipal du 14 octobre 2021, la Ville a décidé de ne pas signer l’arrêté d’application, jugeant notamment les aides à l’achat d’un véhicule propre, promises par l’État et la Métropole, encore trop insuffisantes et imprécises. Un sursis, le temps de voir. C’est au prochain conseil municipal, prévu le 30 juin, que la Ville doit finalement décider si elle signe ou non son entrée dans la ZFE. Et c’est pour appuyer cette décision que le maire et l’équipe municipale ont invité la population à cette réunion ZFE du 9 mai. Pas forcément pour apporter des réponses, mais d’abord pour entendre la parole des habitants, leurs questions, leurs témoignages.
Et cette discussion démocratique directe a pleinement fonctionné. Comme le remarquent plusieurs intervenants, dont certains venus de Rouen, Saint-Étienne-du-Rouvray est la seule ville de la Métropole à avoir organisé un débat public sur le sujet de la ZFE. Et il était nécessaire.
Du jeune homme de 21 ans qui s’inquiète de l’avenir de la planète via la pollution engendrée par les batteries de véhicules électriques à M. Velardita qui, à 90 ans, ne se voit pas acheter un véhicule neuf, le panel des interventions est large, intéressant et représentatif de divers points de vue. Le débat est vaste, global et local, et concerne aussi bien l’écologie que les libertés individuelles ou bien sûr le pouvoir d’achat et l’injustice sociale de la ZFE.
Florilège:
« Je suis étudiante. Comment un étudiant peut financer l’achat d’une voiture neuve, dont on a besoin pour trouver du travail? Et il faut faire les démarches sur internet pour les dossiers d’aide, mes grands-parents n’en sont pas capables. »
« Si je gare mon véhicule à l’extérieur de la ZFE et que je décide de prendre les transports en commun, est-ce qu’ils seront gratuits? »
« Je suis habitant du Château blanc, j’habite au onzième étage. Si j’achète une voiture électrique, est-ce que je vais tirer une rallonge depuis mon appartement pour la recharger? »
« Ça me dégoûte de mettre mes voitures à la casse alors qu’elles marchent très bien. »
« Des aides existent mais personne n’est au courant. De toutes façons, il faut avancer l’argent. Comment on est sûrs qu’on aura les subventions après? Je suis dans le brouillard. »
« Je suis conseillère Pôle emploi, je gagne un peu plus que le Smic et je n’ai pas droit aux aides… Et qu’est-ce que je dis aux gens qui ont besoin d’un véhicule pour travailler? »
« Vous allez commander une voiture électrique, vous pensez que vous l’aurez quand? »
« Je suis agent SNCF, je travaille en 3/8, je ne peux aller au travail avec les transports en commun. Un véhicule personnel, c’est une liberté et une nécessité. »
« Si je roule, j’aurai une amende. Mais si je reste stationné, je risque aussi d’avoir une amende… »
« Les aides proposées, ça fait rire. Quand on n’a pas de revenus, on ne peut pas avoir de prêt, ce sont les banques qui décident. »
« Avec les motards de la FFMC (Fédération française des motards en colère, ndr), on a essayé de négocier des aménagements pour les deux-roues. Mais la Métropole ne cherche pas du tout à discuter, à rencontrer les usagers. »
Invité par Joachim Moyse à prendre la parole en tant que député, Hubert Wulfranc explique:
« Tout se décide là-haut, ça dégringole et les maires doivent de débrouiller avec ça… Appliquée comme ça, la ZFE va faire des dégâts. La vie quotidienne est dure en ce moment, ce n’est pas la peine d’en remettre une couche. La Métropole devrait faire preuve de sagesse et moduler le plus possible l’application de cette loi. »
Et enfin, comme le souligne Laurent Derouet, journaliste animateur de la réunion:
« C’est très compliqué de s’y retrouver, il n’y a pas pour l’instant de guichet public à la Métropole. »
Toutes ces remarques, pleines de bon sens et de sincérité, témoignent d’une inquiétude et d’un sentiment d’injustice face à l’application de la ZFE, sans doute trop rapide et forcée. S’y ajoutent d’autres interventions sur le contournement est et le développement du ferroviaire, liées à la question de la ZFE. Elles ont toutes été notées et entendues par le maire Joachim Moyse et ne manqueront sans doute pas de peser dans la décision du conseil municipal le 30 juin.
Nous reviendrons en détail sur le dossier de la ZFE et ses modalités pratiques (critères, aides, dates d’application) dans Le Stéphanais du mois de juin.